Face à la gare de l'Est, sur un terre-plein en bitume bordé de maigres pelouses, a été créé un lieu insolite peuplé de tentures et d'objets hétéroclites, de pots de plantes aussi, presque en cercle autour de troncs d'arbres décorés, tel un jardin secret dédié à la paix et l'hospitalité. Les mots "Zen" et "Madness", plusieurs fois écrits à même le sol et ailleurs, en grands caractères, attirent le regard. L'endroit semble habité par son créateur, un être silencieux, qui joint les mains et incline la tête quand il reçoit les éloges de son œuvre. Qui est-il ? Un sage parmi les sages qui a trouvé ici son havre de quiétude et plénitude ? Il n'est sans doute pas le maître décrit comme "un drôle de zèbre" dans le poème Délit de vagabondage, composé en 1999. Et pourtant les deux personnages partagent des ressemblances, à commencer par leurs "principes aux rayures blanches et noires" et leur caractère pouvant être "absurde pour être sérieux et chevaleresque". En invitant, devant un tel enchantement, les passants à vivre un instant exceptionnel, j'aime à penser que cet espace rempli de bancs reconstruit l'image de "l'école de la dernière chance" que le poème entrevoit.
DÉLIT DE VAGABONDAGE
De tous les maîtres que j’ai eus
Et je ne sais plus combien j’en ai déçus
Il me revient souvent en mémoire un drôle de zèbre
Avec des principes aux rayures blanches et noires
Qui se contredisait à longueur de journée
Et auquel j’essayais de prouver malgré tout
Que l’on peut être absurde pour être sérieux
Et chevaleresque non pas dans le refus
Mais dans l’incompréhension d’un ordre
En se faisant arrêter par une patrouille
Articulée depuis un cerveau immatériel
Gentiment endormi sur la banquette arrière
Un robot entre les genoux
Sans avoir pris de décision inutile
Ni rejoint le cortège des zouaves
Qui s’en vantent rarement
Retrouvés à leur tour recalés
Sur les bancs de ce qu’on appelle
L’école de la dernière chance
Ce vagabond allongé peut dormir tranquille
Il est sous bonne protection
La France et l'Europe veillent à son bonheur
Elles ont mis à sa disposition, dans un bel élan de générosité
Le trottoir et leurs étendards réunis.... comme une terre d'asile.
Sympathique ce petit square afro arabesque en plein Paris,voila qui donne un peu de joie au passant par ces jours si sombres que vit notre République.