Trois poèmes aujourd'hui disent l'étroitesse du monde. Tous les poèmes disent cela. Ils ne cesseront jamais de tenir ce message. Car ils n'en connaissent pas d'autre. Ils empruntent pour ce faire le chemin de l'évasion. D'où le rôle de l'imagination, celle qui ouvre des grilles, matérielles comme affectives, jusqu'aux limites des immensités qu'elle aimante. D'où aussi la quête incessante d'un point fixe. Se déplacer autour relève du domaine de l'aventure, quelles que soient l'intention et la distance. Le rêve, jour et nuit, en est le moyen de prédilection par excellence. Les mots en donnent l'épreuve. Et comble des combles, c'est souvent dans une minuscule cellule que naissent les poèmes. Une main recueille la rosée, l'autre effeuille la nausée.
DANS TOUS LES SENS
J’ai confondu
le radieux mouillage
avec un jet de cailloux
sur les carreaux de l’autre rive.
Au pied du cassis
où j’ai posé mon blanc ballot
je cherche dans tous les sens
un gîte parfumé
sous des eaux
ou entre des mains
prêtes à me déborder.
*
L’ÉTROITESSE DU MONDE
Souvent dans les chambres à coucher
on sent toute l’étroitesse du monde
traverser son corps et héler
avec force alternative
un diable aux cernes creuses
qu’on aimerait suivre
jusqu’au fond des cuves
où règne l’odeur des proies.
*
À LA FIN D’UN PRINTEMPS
On parle toujours
à la fin d’un printemps
de la chambre retenue
par un vieillard dans l’aise.
Dans la chambre à côté
le lait d’un biberon
servira d’offrande
aux jardins de l’hôtel.
Le vieillard croira
qu’on éponge la dette
qu’il doit aux vivants.

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