La barricade, la fête, le temps, ces trois termes ne disent-ils pas les trois âges de la vie ? Ne les distillent-ils pas non plus ? D'abord l'on érige un tas d'objets hétéroclites censés s'opposer aux règles en vigueur et faire obstacle pour tout déboulonner. Alors l'on s'aperçoit qu'on n'est plus seul, mais tous ensemble prêts à jouer, comme l'on en a toujours rêvé. Et après, le temps s'introduit à pas feutrés dans la danse, pour faire la transition, comme dans le passage d'une saison à une autre et d'un genre à un autre, idéalement. Si l'on compare la vie à une chanson, c'est-à-dire à l'expression d'un changement radical de voix, les trois poèmes, La barricade, La fête et Le temps, incarnent modestement cette euphorique et métaphorique ritournelle.
LA BARRICADE
Un drapeau rouge
Trouble trop franc
Rien à la lèvre
Rien de la grève
Pas un éclat
Pas une balle
J’entends pas vous
La barricade
J’en attends tout
Un bond devant
Un tour de piste
C’est dans la poche
Qu’elle se prépare
Qu’on s’en souvient
Pour des pupitres
Et des pantins
La bonne blague
La barricade
Qu’elle joue au temps
Par des enfants
Sur les cheveux
Dressés du non
Du non qui passe
Non aux extases
Vu qu’on relève
Les morts du sang
*
LA FÊTE
La définition de l’or
On la cherche encor
Dedans comme dehors
Pour les vivants et les morts
L’existence des dieux
On l’écarte mieux
En s’y prenant vieux
Et c’est délicieux
La valeur des chefs
Se résume aux griefs
En un temps plutôt bref
Qu’on subit derechef
La quête du bonheur
Partout vit et meurt
Dévie mais demeure
Parole d’honneur
Le sens de la poésie
Dès l’aube ressaisit
Le jour par frénésie
Et les cœurs tout transis
*
LE TEMPS
Sur le chant des sirènes
Dépasse la mesure
Découvre l’accord
Et la plante des pieds
Sur la boule de cristal
Tente la chance
Prends la pâtée
Et le miroir aux alouettes
Sur la carte dépliée
Renverse les trésors
Brise les chaînes
Et les branches du peuplier
Sur la ligne d’horizon
Cours après la lumière
Attrape les couleurs
Et des points de côté
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