A l'instar de Boris Vian, les mains levées, qui invite monsieur le président à prévenir les gendarmes qu'il ne porte pas d'arme, j'ai réuni ci-après les deux poèmes Les déserteurs et Les tailleurs de rêves. Ils se suivent dans cet ordre au début du livret Poèmes des dieux du recueil Amour ci conte. Que je ne me souvienne plus dans quelles circonstances ils ont été écrits, et ainsi rapprochés, m'aide à ressentir la part du hasard permanent dans le présent ininterrompu. Et j'y prends la mienne en éprouvant le besoin de comparer ces déserteurs à des tailleurs de rêves et ces tailleurs de rêves à des déserteurs. Sans ce même hasard sur mon chemin, je n'aurais jamais imaginé écrire un jour que la poésie désarme.
LES DÉSERTEURS
Dans des vaisseaux tout dévastés
Par vent violent les déserteurs
Sautent en vol sans parachute
Sans même voir où vont tomber
Leurs vœux de vacances dorées
Privées du V de la victoire
Qu’on ne pourra leur enlever
Sous le duvet de leur enfance
A travers champs où Vian chantait
LES TAILLEURS DE RÊVES
Orfèvres des grands bals
Tous les tailleurs de rêves
Vous le diront en chœur
De l’intérieur des pierres
Que le plus beau secret
Dure une éternité
Au fond d’un sablier
Sur ses faces cachées
Penchées du bon côté

Si j'ai décidé de déserter le monde de cette pandémie de nouvelles alarmantes
Pour fuir les crieurs de peurs et les prédicateurs de vérités glaçantes
C'est pour retrouver, dans cette maison perdue, isolée des rumeurs d'épouvantes
La femme aimée, qui caresse mon corps, avec ses baisers d'une sensualité exaltante.