Alors que je pars demain pour quelques jours plein est, à Budapest précisément, je vous donne à lire le poème Ma Bretagne au cœur, comme animé par un irrépressible esprit de contradiction qui me place toujours dans le questionnement du langage. Me laisserez-vous alors dire que la Bretagne est la région préférée de mon cœur ? Si le monde était un corps, elle en serait pour moi le cœur. Chacun se choisit sans doute une terre d'asile, comme un héritage de la providence, dans les vacances de la raison. Dans ce poème écrit il y a une quinzaine d'années, je définis la Bretagne "Comme au cou une contradiction / Passagère impatiente du désir". Nul doute que j'aurais pu ainsi qualifier tous mes colliers de poésie.
MA BRETAGNE AU CŒUR
Comme un lit défait amoureusement
Sur le continent qui s’enfuit derrière
La coiffe rebelle au front supposé
Comme un croissant trempé dans des rêves
Jusqu’au nombril en escargot
Comme des rats devenus héros
Rescapés de la mort souveraine
A la barre du vaisseau prophétique
Comme une peau de chagrin consolé
Consommée en sauce qu’on dessale
Comme une corne de brume pour la forme
La tête prélevée dans la pierre
Comme une coupe aux lèvres du temps
Humecté de sa propre délivrance
Comme un pied dans le plat en cuivre
Qui rassemble deux par deux d’abord
Les maîtres égarés engourdis
A la lumière de leurs œuvres enivrées
Comme une langue disparue
Repêchée au hasard à la perche
Dans l’improbabilité poussive des franges
Comme une goutte de trop au tympan
Où apparaissent des fissures bleuies
D’une fissure millénaire
Sous le signe du vacillement
Comme au cou une contradiction
Passagère impatiente du désir
Comme une décompression dans l’atmosphère
A la tombée du jour retenue
Pour une question de partage
Comme une droite alignée sur une chair
Dans le penchant pour les excès
Et l’attrait des amours aveugles
Comme une fenêtre ajoutée au décor
Comme un château brillant de l’intérieur
Mélange des couleurs du dernier cri
Au terme des dures ressemblances
Conviées aux noces de l’arc-en-ciel
Comme un bloc de granit suspendu à un fil
Tissant sa toile sur des points de repère
Comme une grève entre deux eaux
Qui essuie un grain de folie
Trempé par l’attente de la vie
Comme par le passage des oiseaux en mer

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