Au coucher du soleil un soir de fin d'été, devant un bateau de pêche au port du Guilvinec, j'ai reconnu la voyelle rouge, le I haut levé comme un candélabre sur la cabine du Kan-Atao, elle-même écarlate, tout comme le phare de Croas Malo à l'arrière-plan. Dans le Sonnet des voyelles, Rimbaud n'esquisse-t-il pas un tableau de tempête : " I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles / Dans la colère ou les ivresses pénitentes"? Ses pourpres ainsi évoquent les couleurs du pont du chalutier, jusqu'aux coulures saignantes sur la proue. Le Poème rouge qui illustre cette vision n'a sans doute jamais été écrit dans cette intention. N'empêche qu'il emmène "loin des larges berges" d'un amour où il trouve une tempête d'ivresses pénitentes et le secours d'une bouée rouge.
POÈME ROUGE
Quelque chose de rouge
Plein comme un caillou
Ou encore quelqu’un d’éternellement vexé
Tu sais de quoi je parle et me vante
Avec mon air à ne pas m’en faire
Et ma hantise que ça recommence un jour
Plus douloureusement qu’avant
Rouge à ébranler un métronome
Même si dans un sens on invente tout
Mais pas le rouge qui brûle les mains
Tu vois maintenant où je t’emmène
Loin des larges berges de notre grand amour
En dévalant le ciel en luge
A la poursuite du tombeau ouvert de nos déconvenues
Emporté dans un torrent de boue
Rouge le temps de gueuler à tue-tête
Je t’aime dans ma langue nuageuse
Qu’il ne faut pas traduire à l’avance
Par une autre vérité
Telle que celle qui plante en terre
Une symbolique tomate étrangement mûre
En attendant un jugement critique
Et beaucoup de secours de ta bouée rouge
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