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Photo du rédacteurMaurice Coton

Poème rouge

Au coucher du soleil un soir de fin d'été, devant un bateau de pêche au port du Guilvinec, j'ai reconnu la voyelle rouge, le I haut levé comme un candélabre sur la cabine du Kan-Atao, elle-même écarlate, tout comme le phare de Croas Malo à l'arrière-plan. Dans le Sonnet des voyelles, Rimbaud n'esquisse-t-il pas un tableau de tempête : " I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles / Dans la colère ou les ivresses pénitentes"? Ses pourpres ainsi évoquent les couleurs du pont du chalutier, jusqu'aux coulures saignantes sur la proue. Le Poème rouge qui illustre cette vision n'a sans doute jamais été écrit dans cette intention. N'empêche qu'il emmène "loin des larges berges" d'un amour où il trouve une tempête d'ivresses pénitentes et le secours d'une bouée rouge.


POÈME ROUGE


Quelque chose de rouge

Plein comme un caillou

Ou encore quelqu’un d’éternellement vexé

Tu sais de quoi je parle et me vante

Avec mon air à ne pas m’en faire

Et ma hantise que ça recommence un jour

Plus douloureusement qu’avant

Rouge à ébranler un métronome

Même si dans un sens on invente tout

Mais pas le rouge qui brûle les mains

Tu vois maintenant où je t’emmène

Loin des larges berges de notre grand amour

En dévalant le ciel en luge

A la poursuite du tombeau ouvert de nos déconvenues

Emporté dans un torrent de boue

Rouge le temps de gueuler à tue-tête

Je t’aime dans ma langue nuageuse

Qu’il ne faut pas traduire à l’avance

Par une autre vérité

Telle que celle qui plante en terre

Une symbolique tomate étrangement mûre

En attendant un jugement critique

Et beaucoup de secours de ta bouée rouge



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