L'idée que l'on puisse tenir une interprétation précise d'un poème, comme de toute œuvre artistique sans doute, relève d'un excès ou écart de prétention qui décourage des créateurs en herbe de se lancer de peur d'être trahis ou dépossédés de leur vérité. J'avais un jour fait cette remarque quelque peu désabusée à un professeur qui m'avait répondu, avec une louable habileté, que l'interprétation était elle-même une création en soi, dont la précision valait pour la justesse de son expression et la sincérité de son auteur à détecter et dévoiler la présence d'un sens caché, sciemment ou pas. De notre dialogue je me souviens de sa conclusion que j'avais aussitôt notée dans un carnet : "L'interprétation existe, croyez-moi, et elle éclaire le poème comme une lampe dans la nuit donne le chemin." Le poème Au revoir me fait penser que le poète aussi se fait l'interprète de son propre poème. Cette façon de dire au revoir existe. Elle relève de l'esquive et invite, à la tombée du jour, à lever les yeux au ciel pour laisser le soleil passer de l'autre côté de l'horizon, avec toutes les pensées qui traversent l'esprit.
AU REVOIR
Tout ce qui a été évité existe
La connaissance des autres brillant par leur lourde solitude
Et par la sourde lumière du miroir qui réfléchit leur image existe
La mort arrivée au bon moment
Dérivant de même existe
Ne pas être là
Ne pas être soi
Tout existe
L’absence existe
La mémoire existe
La vie retenue au col
A la menace facile existe
Ce qui n’a pas lieu d’être existe
Le repos existe
La porte trop basse qu’on franchit en se courbant existe
Ce qui n’a pas le nom de l’espérance
Mais qui en prend les apparences
Et en tient les promesses existe
Le tour de magie quand il échoue existe
Avant l’évasion finale
L’existence existe
Existe pour agrandir les photos décollées des albums souvenirs.

C'était un après midi d'été. J'étais un peu engourdi par la chaleur. Elles sont passées devant moi en courant, comme une brise légère et rafraichissante. Avec ce qu'il me restait de conscience, j' ai pu saisir cet instant fugace et magique et le garder précieusement dans les archives de mes souvenirs. Ces jeunes filles déterminées et complices, filaient telles des gazelles délicates et rapides le long de la mer. Elles semblaient heureuses et insouciantes.
Qui étaient-elles? Où allaient-elles? Je suis bien indiscret et de toutes les façons, cela n'a aucune importance. La seule chose dont je suis sûr, c'est qu'elles sont parties sans même me dire au revoir.