Tant les penchants de la vie vont aux jeux qu'à la fin ils font oublier le vacarme des guerres. Il y a peu j'observais, au-dessus des murs de l'armurerie de la gare de l'Est, un affichage géant montrant trois photos d'athlètes côte à côte, les bras en V en signe de victoire, certainement dans la perspective des prochains Jeux Olympiques. Comme triomphant des armes à feu exposées derrière la vitrine, ces hommes m'ont aussitôt fait penser au tableau de Goya Tres de Mayo, où des soldats mettent en joue des hommes désarmés. Deux d'entre eux, l'un déjà mort à terre, l'autre à genoux, en pantalon jaune et chemise blanche qu'éclaire une lanterne posée sur le sol - le héros de la scène - ouvrent eux aussi leurs bras en V comme des ailes, telles des colombes de la paix. N'est-ce pas le chemin de la poésie de songer à cette concordance ? Le poème La guerre ci-après imagine en guerre un certain Junior. Je donne la clé qu'il part en guerre contre les guerres et qu'il n'abdiquera jamais.
Sa guerre Junior la faisait tout seul
Sans armée ni ennemi
il pointait son doigt vers le ciel
Puis il tirait dans le vide
Bien sûr on croyait lui faire plaisir
en lui disant qu’il tuait le temps
Mais Junior pensait qu’il tuait
beaucoup plus que le temps
On n’osait lui demander à quoi
il faisait allusion
tellement son regard
scrutait une direction lointaine
Cette distance s’allongeait
à mesure que personne ne figurait
dans son champ de vision
D'autant que Junior ne souhaitait
rien rencontrer d’autre
que ce que son imagination ramenait
C’était une guerre d’usure
Junior tenait tête pour se prouver
qu’il n’abdiquerait jamais
Jusque dans ses rêves
il visait au ciel
avec une netteté croissante
La nuit venait lui rappeler
que sa guerre se terminerait
par la victoire du vide
Junior se trompait
car il découvrit l’amour
sous le visage d’une colombe
qui l’initia à la paix.
Comentários