Hors de moi l'esprit d'à-propos. Combien de fois, contre toute attente, n'importe où, je me suis retrouvé amené à parler de moi pour la seule et simple raison que je n'avais pas su formuler des mots tirés de mon esprit. De là, j'ai souvent renoncé à poursuivre mes idées par la voix portées. Malgré mes tentatives pour qu'il en aille autrement au contact d'êtres chers et choisis, le recours à la plume alors a presque toujours prévalu sur tout autre mode d'expression. Il en est né une langue vivante en moi comme un dialecte unique, intraduisible en mots clairs et pourtant reconnaissable, éperdument en quête d'un sens incertain. Bon port, le poème présent, narre ce récit de l'autre côté du décor du langage. Quel étrange manège où la plume me mène quoi qu'il advienne à bon port, entre la vie et la mort !
BON PORT
Depuis que j’ai quitté le port
Vous allez croire que je dors
Ou que je suis parti dehors
Voiles au vent vivre ma mort
Certaines racontent à tort
Que je fais toujours des accords
Pour jeter l’ancre vers le nord
Et que c’était moi le plus fort
D’autres diront avec remords
Mes paroles valaient de l’or
Et je ne sais plus quoi encor
Qui faisait de moi un ténor
Seul sans mon esprit ni mon corps
Je suis passé par-dessus bord
De l’autre côté du décor
Où je ne bouge ni ne mords

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