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  • Photo du rédacteurMaurice Coton

L'heure hollandaise

Dans la peau d'une vieille chouette qui a passé l'âge de remonter le temps à regret, j'ai retrouvé, redécouvert devrais-je plutôt dire, le poème L'heure hollandaise écrit en janvier 1973, avec un étonnement difficile à définir, comme en état amnésique. Mais je sens bien qu'il me faudrait parler ici de ma vie double, en poésie et hors d'elle. "L'heure hollandaise" serait une façon de qualifier et consacrer ce versant de vie poétique qui se situerait entre la vie éveillée et la vie endormie, ma présence au monde définitivement - et même désespérément - séquencée par ces trois périodes concomitantes. Le poème relate la naissance, "dans un berceau de haut-fourneau", d'une rencontre sur le chemin du rêve et de la beauté, sur fond de métempsycose et de peine capitale. La liaison de la poésie avec le rêve et la réalité n'en paraît que plus sensible, en dépit de l'étanchéité que les années ne manquent pas d'accentuer pour me rendre étranger à moi-même. Et j'en conclurai que c'est pour mieux me rapprocher encore de la poésie, telle l'embrassade finale du fou à délier.


L'HEURE HOLLANDAISE


Le 5 janvier 1973

C'était son rêve et sa beauté

Son tourment et son faucon

La tourmente et son clavecin

Son coucher et Gibraltar

Son couloir et sa ruche charnelle

Un cauchemar tout froid

Une neige pluvieuse ou la fonte

Dans son berceau de haut-fourneau

Elle venait de naître

Et de m'appeler

Je me levai par deux fois

La regardai un peu mieux

Son visage souriant

Me rendormit

Je suis fou d'elle

J'ai très mal dormi ce soir-là

Elle ouvre les yeux

Je les lui ferme

Elle les ouvre à nouveau

Je suis fou à délier

C'était mon rêve et sa beauté

C'était la chienne du parc

Publique elle se nichait

Sous un banc vert

Ou noisette ou hideux

Où il faut bien vivre

Pour que je sois rendu

Rendu en ce lieu empirique

J'ai mal dormi ce soir en question

La fin vient et le vent sert

La tête tombe et la potence choit

Le bourreau part et la mort meurt

Le sol boit et le sang coule

Le temps passe et la lumière se love

Ah ce qu'il fait bon de chanter

Dehors

Dedans

Une sorte de cri rauque et sordide

Maladroitement

Ah ce qu'il est beau d'embrasser

D'embrasser sans peine

Une fille qu'on a sur les genoux

De l'embrasser dans ses bras

D'embrasser son cœur

Partout je veux dire .




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