Entre les ballades des poètes du Moyen Age et La ballade de Saint-Maur, les siècles ont creusé des fossés gigantesques. Hormis les textes religieux des saints et des apôtres, la poésie était alors le seul genre littéraire. L'on sait ce qu'il en est advenu. Ce poème, extrait d'une sorte de journal que j'ai tenu pendant trois années, est daté du 12 octobre 1991. Quelques jours auparavant, le 7 octobre, j'avais écrit ces lignes : " La poésie laisse des traces. Pourtant, elle s'efface. Elle n'a pas entièrement disparu, jamais. Elle surgira d'un moment à l'autre, tapie derrière un rideau. Nul doute qu'elle se cachera mieux encore dans les mots. Elle est d'ailleurs là, ici, toute proche, sur un échafaudage bancal. Le monde se dérobe sous elle. J'étais seul, maintenant je ne suis plus rien. Tout recommence." La ballade de Saint-Maur hisse la voile pour un voyage tout à côté. Et la prochaine fois, l'on n'oubliera pas de déposer un bouquet de fleurs des talus devant la statue des amoureux, au square Victor Basch.
LA BALLADE DE SAINT-MAUR
A Saint-Maur des Fossés
Il n'y a plus de fossés
Saint-Maur est mort et trépassé
A Saint-Maur des Fossés
Deux amoureux empressés
Ne faisaient que s'embrasser
A Saint-Maur des Fossés
Tout le temps ils s'enlaçaient
Sans savoir se séparer
A Saint-Maur des Fossés
Jamais ils ne se reposaient
Et toujours ils s'amusaient
A Saint-Maur des Fossés
Un jour au fond d'un fossé
Les amoureux ont glissé
A Saint-Maur des Fossés
La nuit est tombée
Personne ne l'a ramassée
A Saint-Maur des Fossés
Gisent les ombres brisées
Des amoureux forcenés
A Saint-Maur des Fossés
Rien n'arrête le progrès
Rien ne s'est jamais passé.
As tu déjà vu une taupe à l'oeil affûté, aveuglée par l'amour d'un crapeau fier, affublé d'un chapeau haut de forme?