Dans la vie de Rimbaud insoumise, il n’est pas étrange de sentir la mainmise de la négation. Ainsi commence l’un des cinq poèmes que l’on pourra lire à la suite de ces quelques mots d’hommage. N’en rajoutons pas trop à notre tour. Dommage ! Sa poésie simplifie tellement tout ce qui nous importe que nous ne saurions trouver les mots hors des poèmes. « Trouver une langue », c’est lui qui l’annonce dans la posture du voyant. « Du reste, toute parole étant idée, le temps d'un langage universel viendra ! » Son message reste plus que jamais actuel. Certes, nous rêverons sans doute encore longtemps à cette aventure. L’autre jour encore, j’y ai cru pour de bon en voyant, sur un mur de la rue Didot, son visage apaisé, hirsute, souriant, rêveur, faire lever la tête des passants impassibles.
LE MANÈGE DE RIMBAUD
Dans un pays en bordure du ciel
Séparé de l’océan par une digue
Faisant écran sur les nuages
Et reflétant des volumes de rêves
Remplis de cylindres de vrai sens
Tourne un mystérieux manège
Ce vaisseau dans sa course égrène
Des contes de fée jamais racontés
A l’enfant des lointains rivages
Et remporte au gré des vagues
L’ennui sous sa couronne de biais
Jusque devant sa porte entrebâillée
Mais de doux flocons d’images
Recouvrent la fin des histoires
Et rendent illusoire l’attente
D’ouragans de la dernière chance
Qui crèvera la coque du manège
Pour le faire sombrer sur terre
LE CYCLE D’ARTHUR
Comme je dévalais des pentes impossibles
Je ne me sentis plus freiné par les ardeurs
Des motards tout rouges m’avaient choisi pour cible
En m’ayant cloué net à des feux de couleurs
J’étais insoucieux de tous ces allumages
Suiveur de pistes semblables à des palais
Quand avec mes motards ont fini mes dommages
La Ville m’a laissé rouler où je voulais
Entre les pare-chocs furieux des tarés
Moi par revers plus fin que des vélos d’enfants
Je passais et les véhicules démarrés
N’ont pas subi des tourbillons plus triomphants
Les bouchons ont maudit mon escapade intime
Plus chevaleresque j’ai dansé un long slow
Ma petite reine toujours de toi victime
Dix nuits sur ta selle celle de Lancelot
RIMBAUD SCINTILLE
Voici la leçon
Remplace le son
De la lettre O
Pareille au 0
Par celui du 1
Et les maux là-haut
Tombent dans tes mains
Les robots sautillent
Et Rimbaud scintille
LA LETTRE N DU VOYANT
Dans la vie de Rimbaud insoumise
Il n’est pas étrange de sentir
La mainmise de la négation
En lettre N donnée au voyant
Puis après la Commune reprise
Au gosse nu venu au négoce
Sa caravane quittant Aden
Gangrène au genou jusqu’en Ardenne
La fin d’une saison en enfer
ART RARE
L’art tord
L’artère
Qu’Arthur
Archange
Martyr
Tard tire
Harar
D’ardente
Partance
Ce merveilleux jeune homme aux semelles de vent, titubant sur son bateau ivre, révolté par ses illuminations et parfois somnolant tel un tranquille dormeur du val, nous rappelle comme un défi à la raison que la vie ne vaut rien ...sans une saison en enfer.