Maurice Coton
Marine
S'il est un sujet que je me garderais bien de trancher aujourd'hui, tant mon avis au cours des années aura changé, celui de la description tient lieu de modèle. Des souvenirs de descriptions insipides, infligées par des lectures imposées, continuent de peser lourd dans mes jugements et d'ériger une barrière. Attention, danger. Cette appréhension a cependant été surmontée par l'attraction que l'art de la peinture a exercée sur moi, peut-être parce que j'ai toujours considéré un tableau, voire une photographie, comme un ensemble cohérent de descriptions successives de lignes et de couleurs, jusqu'aux moindres détails. Je n'irais pas jusqu'à penser que le poème Marine relève du même procédé. En tout cas, il décrit un paysage en mouvement, contourne des nuages, rejoint la mer, débouche sur une embrassade, provoque un chavirement, élève un rêve, découvre des yeux, sous l'éblouissement d'un soleil couchant. Et ainsi la description repêche à l'horizon renversé un amour dans ses filets.
MARINE
Ce n’est pas la rive mais son contour
Voyez les nuages qui s’envolent
Ils convergent à la mer
Et quand la mer se retire
Contre elle je me serre
Je me brise et disparais
Et quand se remplit l’océan
Ce n’est pas par tout temps qu’on hisse
La voile du rêve mais ses coutures
Tandis qu’au fond de secrètes vagues
Brillent des yeux de crépuscule
Derrière le soleil éclaboussé
Nous descendons sur des ombres
Dont les filets s’ouvrent pour dire
Ce n’est pas l’amour mais son modèle
Et pour repêcher en nous le poisson
Qui répond de sa voix éteinte
Que l’horizon sombre à l’envers
