D'octobre à novembre 1984, la galerie Albert Loeb a présenté l'exposition La philosophie dans le paysage, une série de vingt-deux tableaux du peintre Jorge Camacho (1934 - 2011). Fasciné par cette "philosophie" qui m'ouvrait les portes d'un désert inconnu, peuplé de créatures et de constructions intemporelles, ou plutôt au-delà des temps, vie et mort comprises, j'ai composé pour chacune des toiles un poème aussi fidèle que possible à mon observation et introspection. Réapparue ces derniers jours dans mon chantier de retranscription, cette aventure poétique, dans le rôle du traducteur de la langue des peintres, n'aura jamais eu de suite, hormis maintenant. J'ai choisi de reproduire ici le poème Murcielago (chauve-souris en français), comme en écho aux jours récents, dont j'aime à penser que Camacho les pressentait en profondeur dans son œuvre magistrale, aux sources immémoriales. Pour mémoire, en décembre 1982, il avait réalisé et exposé dans la galerie du 7, rue Princesse un livre de lithographies illustrant certains de mes poèmes (Les Carapatas).
MURCIELAGO
Si l’idée du déluge prend tournure, ce sera sous le signe de la chauve-souris.
S’envolant de son territoire inconnu, elle ne demandera pas comment on la maudissait tant. Ses ailes épouseront les versants d’une montagne et sa bouche aspirera la verte vallée.
Aux quatre coins du monde, la panique changera aussitôt les vivants en mulots, en galets ou en simples chiffons.
Mais après le séisme, un seul rescapé survivra. Entre les membres d’un scorpion, la planète calcinée regrettera l’innocente chauve-souris.
Malgré son irrésistible besoin de liberté, il a beau ouvrir sa fenêtre...cette période de confinement ne lui offre qu'un horizon bouché!