Du Moyen Âge où c'était la règle, comme le célèbre "Roman de Renart", et jusqu'au XIXe siècle, où l'on retient "La Légende des Siècles" de Victor Hugo, beaucoup de récits ont été écrits en vers. Au XXe siècle et après, cette manière a pratiquement disparu, même si l'on trouvera toujours quelques exceptions. Le poème Notre Carmen, écrit en 2004, prolonge ce genre de l'histoire racontée. Je l'ai redécouvert hier, avec d'autant plus d'étonnement qu'il est venu s'inscrire dans une troublante coïncidence. En effet, ma compagne Florence et moi avons été les spectateurs récents de deux histoires de sœurs jumelles, comme d'ailleurs dans le poème. Samedi 9 février au matin, nous apprenons que la veille deux sœurs jumelles, roumaines comme Carmen, ont été retrouvées enlacées l'une à l'autre dans le lac du parc Montsouris, après leur suicide. L'après-midi du même jour, l'artiste et poète Jean-Claude Silbermann nous présente son film et commente son étonnant tableau Les demoiselles qu'il a créé en 2005, où chacun découvrira ci-après ses sœurs jumelles pareillement enlacées. N'allons pas plus loin. Une étude plus approfondie permettrait peut-être de démêler et réunir les mystères de ces sœurs jumelles. En tout cas, c'est le rôle de la poésie de saisir ces soudains éclairs de hasards.
NOTRE CARMEN
Comme dans beaucoup d’histoires
La seule vérité que je relate ici
C’est qu’elle s’appelait Carmen
Celle qui était venue vers nous
Et qui nous quitterait bientôt
Dernière arrivée première partie
Mais avant elle avait lié connaissance
Avec je crois chacun d’entre nous
A qui elle racontait toute sa vie
Ses années d’enfance en Roumanie
Le mariage de sa sœur jumelle
Avec un chirurgien de Colmar
La santé de sa sœur s’était dégradée
Carmen avait favorisé son retour à Paris
De la même façon qu’à chacun séparément
Elle se confiait dans le mystère des mots
Où plus on en donne plus on en trouve
Et plus aussi on en cherche le sens
Pensait-elle qu’elle n’était déjà plus là
En faisant passer le temps plus vite
Que ce qui arrive quand on regarde derrière
Et qu’on revoit quelqu’un devenir une image
Un phare qui n’a jamais cessé de s’éloigner
Au lieu de s’approcher comme elle en donnait l’air
Le jour où Carmen nous a dit adieu
J’ai eu le sentiment que je ne la reverrais plus
Sinon son ombre à la terrasse du Quartier Latin
En pantalon rose et les yeux inondés de chagrin
Dans les teintes irisées du lit de la Seine
Et de sa sœur bordée par le soleil couchant
C’est un hasard si extraordinaire que je peux en témoigner, ces sœurs disparues enlacées le 8 mars (journée des femmes) 2019 dans le lac du parc Montsouris étaient bien roumaines !