Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'un poème. La prose détourne de la poésie, me suis-je souvent obstiné à penser maladroitement, à l'encontre des idées reçues sur cette question. Ce texte est extrait d'un recueil d'histoires courtes, satires ou énigmes, intitulé Or voir, écrites en 1994 et 1995, comme des parenthèses ouvertes pour inventer des contes que j'aurais lus à mes jeunes enfants pendant leur sommeil. Le fait qu'on y parle des derniers jours de l'été m'a donné envie de courir le Risque de la retranscrire aujourd'hui, sans clé de lecture ni autre commentaire. Juste un dernier : le risque est l'anagramme de quiers, l'impératif ancien du verbe quérir qui ne se conjugue plus.
RISQUE
Souvenez-vous, entre toutes injustices, des gens qui s'en tiennent aux causes des faits.
Guillaume et Valentine étaient de ceux-là. Malgré le monde qu'ils observaient de plus en plus loin, ils traquaient encore l'espèce rare des derniers jours de l'été. Ils bâillaient aux corneilles avant d'en saisir l'époustouflante beauté qu'ils relâchaient aussitôt.
Ils avaient eu, dans leur prime jeunesse, un maître qui n'avait pas son pareil pour défendre des courbes désarmantes. Aux déchirements des hommes et aux meurtrissures des aubes, il leur avait appris à préférer des promptitudes de méandres.
Mais l'esprit du maître, que Guillaume et Valentine outrepassaient dans leur fol amour, ne demandait pas de remonter sans cesse à la source initiale. Quand bien même celle-ci aurait existé, jamais ils ne l'auraient trouvée.
C'était pour faire semblant de déplaire à leur maître que Guillaume et Valentine avaient couru ce risque. Au demeurant, ils découvraient jour après jour que leur amour y puisait son énergie.
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