La nuit, la ville cède ses dernières cartouches d'enchantement au regard qui cesse de chercher à voir. Sans doute l'une et l'autre lui laissent-elles pressentir le passage prochain à l'endormissement. Les yeux machinalement se projettent sur le sol, sans sommation. Une grille ou une dalle de soupirail, une plaque d'égout, de gaz même, alertent à cette heure tardive l'attention qui rechigne à aller de l'avant. Mais que signifie cette tête d'acier, objet à la blafarde lumière, figure invisible comme insensible à tous nos piétinements ? Je ne prétends point donner la réponse en liant à cette apparition récente le poème Saints de charbon, qui soulève plutôt qu'il enterre la mémoire. Cette mémoire, profonde, me rattache à une cohorte d'ancêtres inconnus, mais que la poésie me fait connaître comme je les aime, tout imprégnés, mine de rien, de noire beauté.
SAINTS DE CHARBON
Saints de charbon aux noires mines
terre profonde de mes aïeux
là vous attrapiez aux veines et aux cous
ce qu’il y a de pire en ce bas monde
Toujours les aubes se tordaient
de vous voir sortir de vos puits
Vous tourniez le dos à la consternation
La lumière blafarde de vos fronts
éclairait l’industrie
l’industrie triomphante de son côté
et reconnaissante du vôtre
Mais votre ennui était ras et lisse
comme vos yeux et cheveux dans la bière.

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