Avec la pratique, je m'aperçois que mon attention se porte davantage sur les images que sur les poèmes que je présente ici, si bien que j'en arrive à me persuader que le poème tient lieu d'illustration. Ce sera plus vrai encore aujourd'hui, tant ma nature m'incline à inverser les rôles. La fois dernière, j'étais heureux de montrer ma découverte d'un jardin harmonieusement investi et décoré? devant la gare de l'Est? par un "artiste" anonyme - Madness ? - qui habitait et émerveillait les lieux depuis de longs mois. "J'avais passé des jours et des jours à tendre des fils de couleurs. Pourquoi de tant de haine ?" L'être qui me parle est trop pacifique pour en vouloir à quiconque. Il estime même que la destruction totale des aménagements (objets, tentures, totems, mobiliers…) dans son jardin, lundi dernier, par les services municipaux et policiers est un mal pour un bien. "Cela montre à quel point je suis incontrôlable. De toute façon, la zone vit en moi", m'a-t-il confié d'un ton serein qui ne parvenait pas à dissimuler un profond abattement. L'institution ne devrait pas ainsi brutaliser l'art. Le poème "Tu seras" donne peut-être un sens à l'institution qui perd les pédales. A qui s'adresse-t-il ? Peut-être à quelqu'un qui fait le contraire de ce qu'on lui demande. Ce n'est pas à moi de le dire. "Tu seras" est aussi le sens de l'œuvre de la photographe Jee Young Lee. C'est elle que l'on voit de dos en train de fracasser un œuf sur le sol d'un univers clos, tout bleu. J'imagine que c'est pour trouver un autre nom au soleil. A moins qu'elle s'en prenne à l'institution qui a affiché ses photos sur les grilles du jardin d'Eole, tout près de la ferme urbaine pédagogique fière de son poulailler, en représailles aux offenses faites au jardin de Madness. Parfois l'institution ne mériterait pas un meilleur sort, sous mes fenêtres.
TU SERAS
Toi tu choisiras d'être infatigable
Tu marcheras à pas lents et mesurés
Tu caresseras le dos de ta femme
Tu mettras deux antennes à ton auto
Tu échangeras deux automnes contre un été
Tu laisseras place aux intervalles
Tu envieras le repos de tes amis
Tu n'ordonneras et n'obéiras pas mieux
Tu feras l'enfant toute ta vie
Tu ne commettras pas plus d'une prophétie
Tu te retrouveras dans une ferme pleine d'œufs
Tu en prendras les blancs pour tes idées
Tu en donneras les jaunes aux sentiments
Chaque jour tu rêveras d'un autre nom du soleil



Quelle triste nouvelle!!! Heureusement que notre frère poète était là pour laisser une trace de ce merveilleux décor surréaliste .
Pas un mot, juste son silence et soudain le détachement et cette tranquillité.
Comme un vague abandon!
Il défie la ville avec cette immobilité insolente et dérisoire.
Pour nous dire que rien ne presse et qu'un jour arrivera une timide lumière paisible.